La biochimie nous a permis de comprendre les origines et les mécanismes du pouvoir guérisseur des plantes. Cependant, si cet éclairage scientifique est indéniable, il semble encore loin d’être achevé.
De tout temps, l’homme a utilisé les plantes pour se soigner. C’est un fait commun à toutes les civilisations depuis les plus anciennes connues jusqu’à nos jours et cela sur tous les continents. L’usage de l’opium par les Sumériens 4000 ans avant que l’on apprenne à en extraire la morphine en est l’un des nombreux exemples.
Les herboristes actuels sont les héritiers d’un savoir qui a traversé les millénaires en s’approfondissant et en se diversifiant sans jamais devenir caduc.
L’usage universel du pouvoir guérisseur des plantes
Aujourd’hui encore, malgré le développement spectaculaire de chimie de synthèse, la médecine par les plantes reste très utilisée.
Plus de 80% des habitants de la planète se soignent toujours avec des remèdes naturels et même dans les pays occidentaux industrialisés, plus de 50% de la population a recours à des pratiques de santé naturelle.
L’usage de plantes pour se soigner n’est pas que le fait des hommes puisque nous observons des comportements « d’automédications » chez certains mammifères dont les chimpanzés et bonobos.
Si on jette un regard rétrospectif sur le chemin parcouru depuis les premiers usages connus des plantes médicinales du temps de l’ancienne Egypte, on voit qu’il est immense.
Ce qui est remarquable, c’est qu’il s’est toujours déroulé dans la même direction, sans mutation ni bouleversement fondamentaux. Simplement, le catalogue des plantes médicinales s’est enrichi, la description de leurs caractéristiques et de leur emploi se sont précisés.
La découverte des principes actifs des plantes
Il a fallu attendre l’invention du microscope au milieu de XVIIème siècle pour connaître un peu mieux la structure fine des végétaux. Les observations ont permis de préciser la notion de cellule, cet élément fondamental de tout tissu animal et végétal.
Il a cependant fallu attendre le début du XIXème siècle et les progrès de la chimie pour reconnaître et isoler les principes actifs des plantes médicinales.
En 1804, le chimiste Derosne isole la morphine de l’opium extrait du pavot, en 1817 les pharmaciens Pelletier et Caventou isolent l’émétine des ipécas, en 1818 la strychnine de la noix vomique (fruit du vomiquier) et en 1820, la quinine du quinquina.
La complexité biochimique des plantes
A l’échelle de l’histoire de l’humanité, il n’y a en réalité que très peu de temps que l’on sait reconnaître les vertus thérapeutiques d’une plante en fonction des composants chimiques qu’elle contient. Avant cela, l’approche était expérimentale, voire intuitive comme avec la théorie des signatures chère à Paracelse.
Ce dernier considérait que la simple apparence des plantes peut révéler leur usage. Le fait le plus troublant, c’est que dans bien des cas, la science à confirmé cette approche « sensitive » des végétaux.
Les chercheurs du monde entier confirment le bienfondé et la pertinence du savoir traditionnel. Les plantes médicinales que l’on appelle aussi « les simples » sont en réalité d’une extraordinaire complexité. Il n’est pas rare de trouver plusieurs centaines de molécules différentes dans une seule espèce.
Les scientifiques les ont nommé et classé dans de grandes familles, parmi lesquelles on trouve par exemple les alcaloïdes, les terpènes ou encore les polyphénols qui se divisent encore en sous-familles.
Parmi les 350 000 espèces de plantes à fleurs qui existent, très peu en réalité ont fait l’objet d’études poussées. Cependant c’est désormais un fait acquis, la fleur la plus intime cache peut-être un trésor thérapeutique !
Pourquoi les plantes fabriquent elles ces substances actives ?
C’est l’une des premières questions que les scientifiques se sont posé : Quelle est la raison de cet extraordinaire pouvoir guérisseur des plantes ? Dans quel but fabriquent-elles toutes ces substances actives ?
La réponse est très simple : les plantes fabriquent toutes ces molécules parce que ce sont des être vivants qui ne se déplacent pas.
Immobiles, elles sont incapables de fuir les nombreuses attaques qu’elles subissent de la part des herbivores, des insectes ou des parasites. De ce fait, les plantes ont appris à riposter en développant un arsenal de molécules défensives.
En d’autres termes, là où les animaux ont une réponse biomécanique, les plantes ont une réponse biochimique.
La réponse biochimique des plantes
Par le jeu de la sélection naturelle, les plantes capables de synthétiser des substances au goût amer, à l’odeur désagréable ou aux effets délétères, parfois mortels, sur l’organisme de leurs assaillants, se sont données les meilleures chances de survivre.
En se reproduisant, elles ont transmis à leur descendance ces « armes de protection massive », des défenses chimiques que l’homme a ensuite détournées pour son propre usage.
Si le millepertuis apaise les symptômes de la dépression ou que la valériane est capable de nous endormir, c’est cette guerre chimique qui en est à l’origine.
Plante toxique ou médicinale ?
Ce mécanisme a conduit à un étonnant paradoxe : ce sont souvent les plantes les plus toxiques qui ont été utilisées pour nous soigner.
Poisons mortels pour l’homme, la belladone, le colchique ou la digitale ont ainsi donné naissance, respectivement, à l’atropine, utilisée en situation d’urgence pour traiter les bradycardies, à la colchicine, traitement de référence de la goutte, et à la digoxine, puissant cardiotonique.
Pour améliorer leurs propriétés ou réduire leurs effets indésirables, certaines de ces substances ont été modifiées, et bon nombre d’entre elles sont aujourd’hui synthétisées chimiquement dans les médicaments allopathiques contenant des principes actifs d’origine végétale.
Les mécanismes secrets du pouvoir guérisseur des plantes
Finalement, ce que l’on comprend assez bien, pour l’instant, c’est pourquoi les plantes contiennent des substances capables de nous guérir, nous les humains.
Cependant, une question majeure persiste après des millénaires d’usage traditionnel et des siècles d’études botaniques et toxicologiques : comment le pouvoir guérisseur des plantes agit-il sur notre organisme ?
Des propriétés multiples et une grande polyvalence
A l’inverse des médicaments conventionnels, qui contiennent des molécules isolées, la phytothérapie repose sur l’utilisation d’une plante médicinale entière ou de l’un de ses organes (feuilles, fleurs, racines, tige…)
L’une des choses les plus surprenantes lorsqu’on découvre le monde des plantes médicinales, c’est le fait qu‘une seule plante peut exercer des bienfaits multiples.
Par exemple, la racine d’angélique (Angelica archangelica) possède une action carminative et stomachique et peut également exercer une action relaxante sur le système nerveux.
Au final, cela permet d’agir non seulement au niveau des symptômes mais aussi de répondre aux causes les plus profondes des troubles digestifs.
Autrement dit, les médicaments à base de plantes contiennent la quasi-totalité des substances contenues initialement dans une plante : le principe actif, mais aussi toutes les autres, y compris celles qui n’ont a priori aucun intérêt thérapeutique.
Or, cette « soupe chimique », que l’on appelle le « totum de la plante » en phytothérapie, est précisément l’une des raisons de son efficacité.
Autre exemple très connu des herboristes, les fleurs de sureau (Sambucus nigra) sont à la fois sudorifiques, antivirales et immunostimulantes. Ces actions complémentaires en font une plante particulièrement appréciée dans le cas de grippe ou de refroidissements hivernaux.
Totum et synergie
Fait encore plus surprenant : il arrive que l’effet d’une plante entière soit supérieur à la somme des effets de chacune des substances qu’elle contient. Ce fait semble donner raison au médecin persan Avicenne, qui stipulait que « le tout est plus grand que la somme des parties ».
Synergie : l’exemple de l’armoise annuelle
Ce phénomène de « synergie » pourrait par exemple expliquer l’efficacité de l’armoise annuelle, utilisée en médecine chinoise pour traiter le paludisme.
L’armoise annuelle contient une très faible quantité d’artémisinine. Un médicament qui en contiendrait aussi peu n’aurait aucun effet
La plante présente pourtant un effet non négligeable, qui ne peut s’expliquer que par un phénomène de synergie. »
L’effet « potentialisant » : l’exemple de la valériane
Par quels mécanismes ? Chez certaines plantes, les chercheurs explorent la piste d’un effet « potentialisant » : une molécule amplifierait l’action d’une autre.
Dans la valériane, que l’on utilise pour favoriser le sommeil par exemple, des chercheurs ont montré qu’outre l’acide valérénique, considéré comme le principe actif responsable de son effet sédatif, la plante contient de la 6-méthyl-apigénine, sans effet hypnotique, mais qui multiplie par 11 celui de l’hespéridine, une autre substance chimique dont l’effet sédatif est intrinsèquement très léger.
Cette potentialisation serait parfois d’ordre pharmacocinétique, avec la prise en compte du facteur temps : une substance A agit si une substance B facilite son absorption par l’organisme ou, au contraire, inhibe sa dégradation.
C’est ce qui semble se passer pour le millepertuis. Les polyphénols contenus dans cette plante n’ont aucun effet seuls, mais ils permettent d’augmenter l’absorption par l’organisme de l’hypericine, l’un des principes actifs du millepertuis, potentialisant ainsi l’effet de celui-ci.
Autrement dit, certains principes actifs peu puissants quand ils sont isolés se conjuguent pour être plus efficaces. C’est un phénomène que l’on observe très couramment mais que les scientifiques ne sont toujours pas parvenus à décrypter.
Des mécanismes complexes à décrypter : le cas du millepertuis
La difficulté de compréhension est d’autant plus grande que ces molécules agissent parfois sur la même cible mais, dans d’autres cas, sur des cibles et par des voies différentes.
C’est par exemple le cas du millepertuis dans lequel plusieurs principes actifs semblent participer à l’effet antidépresseur mais cela au travers de divers modes d’action.
Ces dernières années, les chercheurs ont identifié pas moins de 13 cibles différentes, parmi lesquelles une inhibition de la recapture de plusieurs neurotransmetteurs, une surexpression des récepteurs à la sérotonine et à la dopamine, une augmentation de l’affinité des récepteurs GABA (un autre neurotransmetteur), ou encore une inhibition des récepteurs opioïdes…
Comme si la nature s’était évertuée à réunir, au sein d’une même plante, différents ingrédients, agissant différemment mais dans un même but.
Les mystères du pouvoir guérisseur des plantes
Malgré les avancées scientifiques, des mécanismes semblent échapper aux fondamentaux de la pharmacologie. De ce fait, le pouvoir guérisseur des plantes conserve sa part de mystère.
Le cas de l’harpagophyton
Des expériences sur l’harpagophyton, une plante aux vertus anti-inflammatoires originaire d’Afrique du Sud ont été menées. Après avoir provoqué une inflammation au niveau de la patte chez des rats, on les a traités soit avec un anti-inflammatoire classique, soit avec un extrait d’harpagophyton, soit avec les harpagosides seules, les molécules considérées comme la substance active de l’harpagophyton.
Dans les deux premiers cas, on a observé une très bonne activité anti-inflammatoire, alors que dans le dernier cas, celle-ci était minime. Autrement dit, la phytothérapie semble prendre le contre-pied de l’isolation des principes actifs, pierre angulaire de la pharmacologie moderne.
Le cas du palmier de Floride
Autres plantes qui ont fait l’objet d’études : le palmier de Floride et le prunier d’Afrique. Le palmier de Floride ne contient que des molécules assez communes et non actives (aides gras, phytostérols, flavonoïdes), mais, combinées, elles ont un effet thérapeutique contre l’hypertrophie bénigne de la prostate.
L’action du totum en matière de tolérance
Cette action du « totum » de la plante est également vérifiée en matière de tolérance. En effet, l’action du totum de la plante est le plus souvent dénuée d’effets indésirables.
Un composé à forte activité comme un alcaloïde par exemple sera moins toxique dans le totum de la plante que s’il est ingéré à l’état isolé.
Sa toxicité s’avère tempérée par la présence d’une multitude d’autres constituants de la plante. C’est pour cette raison que les plantes médicinales sont souvent dénuées d’effets secondaires contrairement aux médicaments classiques.
A l’inverse, le médicament chimique est purifié et composé bien souvent d’une seule catégorie de molécules. Prendre de l’aspirine, c’est prendre des molécules d’acide acétylsalicylique et rien d’autre. Dans le cas de la plante (prenons le cas de l’écorce de saule qui contient justement de l’aspirine), il y a une myriade de molécules différentes qui agissent de façon harmonique.
Certaines vont agir dans un sens (anti-douleur ou anti-inflammatoire par exemple). D’autres vont agir pour adoucir cette action ou la moduler, ou encore protéger des effets secondaires éventuels.
Au lieu d’une action unique et incisive, on a avec la plante une action à la fois douce et profonde par la synergie de toutes ces substances différentes.
Quel avenir pour la phytothérapie ?
Depuis les époques les plus lointaines, qui ont vu naître les principes fondamentaux de la médecine jusqu’à aujourd’hui, les plantes médicinales constituent un élément constant de l’art thérapeutique.
A l’origine, leur utilisation était uniquement basée sur l’observation de leurs effets manifeste sur l’organisme. Ces observations ont généré un ensemble de pratiques qui nous sont parvenues, transmises de générations en générations par la tradition orale, ou par le biais d’ouvrages anciens.
Cet héritage a façonné une phytothérapie basée sur l’expérience. Cette phytothérapie empirique ne répond pas aux critères rigoureux de la pharmacie scientifique pour une raison simple : la recherche suppose des coûts importants qui sont, en général, absorbés par les retombées financières liées à la commercialisation du produit protégé par un brevet. Or, on ne peut pas breveter une plante médicinale car le vivant n’est pas brevetable. La recherche dans le domaine des plantes médicinales est donc faible.
Cependant, l’usage traditionnel des plantes médicinales séduit de plus en plus d’adeptes. Les médecins phytothérapeutes, certains pharmaciens et les herboristes tentent d’apporter des alternatives aux méthodes de soin « classiques » en réponse aux attentes d’une partie croissante de la population, et ce, malgré les carences de la législation dans ce domaine.
Les plantes médicinales ayant prouvé leur persistance à travers le temps, le débat sur le positionnement de la phytothérapie dans le parcours de soin devrait germer dans un avenir plus ou moins proche.
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